Explorer La Croissance : Le Voyage De TIMAC AGRO En Inde

Découvrez l’histoire du Dr. Vignesh Janakiraman et comment il est devenu responsable Inde chez TIMAC AGRO, l'entreprise du Groupe Roullier.

UJA | Vignesh Janakiraman
Vignesh Janakiraman

Responsable de l'Inde chez
TIMAC AGRO

UJA: Pourriez-vous résumer votre propre parcours personnel et professionnel et comment vous avez pris la tête de TIMAC AGRO en Inde ? Quelles expériences ou compétences ont contribué à votre succès dans cette fonction ?

Vignesh Janakiraman: Je me suis intéressé à l’espace franco-indien dès l’époque où j’étais étudiant, bien que je n’aie jamais eu de lien avec la France. J’ai voyagé en France pour la première fois pour un stage pendant mes études d’ingénieur. Malgré le fait que je ne parlais pas couramment le français, je suis immédiatement tombé amoureuse de la France. Le mentor du laboratoire où je travaillais m’a suggéré de faire un doctorat, ce qui m’a permis de devenir le premier doctorant à obtenir une double thèse franco-indienne (thèse en co-tutelle), avec un double diplôme de l’université de Bordeaux en France et de l’université VIT en Inde. J’ai également bénéficié de la bourse doctorale Eiffel en 2012 pour mon séjour en France. Ma thèse a été encadrée par le professeur Xavier Santarelli de l’ENSTBB Bordeaux INP et par le professeur Krishnan Venkataraman attaché au CBST, de l’université VIT.

Ma thèse de doctorat portait sur les troubles cardiovasculaires, dans la production recombinante d’apolipoprotéine A-I en vue d’une utilisation thérapeutique. Cela a conduit à des publications conjointes, à des projets financés par BPI France – BIRAC (Biotechnology Industry Research Assistant Council) et à une collaboration de longue date entre les deux laboratoires (ENSTBB-IPB Bordeaux et le Centre for Bio-Separation Technology, VIT-Vellore).

Après mon doctorat, j’ai créé ma première entreprise en Inde, Plasmatech Solutions, une start-up spécialisée dans le traitement de l’hémophilie. Il s’agissait des résultats liés à mes travaux de recherche antérieurs pour lesquels le laboratoire avait déposé un brevet. Ma start-up a été recompensée par le Biotechnology Ignition Grant (https://birac.nic.in/big.php).
Après quelques années avec Plasmatech, n’ayant pas pu obtenir des financements pour réaliser les essais cliniques, j’ai donc fermé la société et déménagé en France.

De retour en France, j’ai travaillé pendant 3 ans pour la société Algobiotech SAS en tant que responsable scientifique (2017 à 2019). En parallèle, j’ai obtenu un diplôme de l’INSEAD et j’ai commencé à m’éloigner de la R&D pour m’orienter vers le développement commercial dans l’industrie biopharmaceutique.

Il s’est trouvé que le Groupe Roullier m’a contacté en vue de leur projet d’expansion de leurs opérations en Asie. Mon profil a plu et j’ai rejoint le Groupe Roullier début 2020, pour mettre en place la filiale indienne de TIMAC AGRO. Basé à Saint-Malo, en France au cours des dix premiers mois, j’ai élaboré la stratégie et les objectifs pour pénétrer le marché indien et finalement pour lancer la filiale indienne en octobre 2020. 

UJA: En tant qu'entreprise française, quels sont les éléments clés qui ont conduit TIMAC AGRO à choisir la ville de Chennai, capitale de l’état du Tamil Nadu pour s'implanter en Inde? Y avait-il des avantages stratégiques spécifiques que Chennai offrait ?

Vignesh Janakiraman: Depuis des décennies, le groupe souhaitait entrer sur le marché indien, mais la pièce du puzzle qui lui manquait était le “comment”. Il a été envisagé plusieurs stratégies dont un partenariat avec l’une des principales entreprises d’engrais du pays qui n’a pas abouti.

Le choix du Tamil Nadu repose sur 2 raisons principales : un marché non saturé qui offrait un terrain fertile pour tester et adapter le modèle d’entreprise du groupe ainsi que l’accessibilité du port.

Pour moi, c’était aussi un avantage culturel, car je connaissais la population et la langue locales.

De plus une autre entreprise du groupe Roullier était déjà présente à Chennai, ce qui a facilité nos démarches administratives initiales.

UJA: L'Inde est connue pour la diversité de son paysage agricole. Comment TIMAC AGRO adapte-t-elle ses produits et ses solutions aux besoins spécifiques des agriculteurs indiens ?
Vignesh Janakiraman: Il est très important de comprendre ce qui différencie TIMAC AGRO des autres entreprises du secteur de la nutrition végétale. Les produits de TIMAC AGRO se distinguent par leur grande efficacité. Comme il n’y a pas d’équivalent direct sur le marché, cela nous a permis de nous positionner sur une niche et de répondre aux besoins des agriculteurs qui privilégient la productivité par rapport au prix. Nous ne sommes pas un acteur du marché de masse et ne souffrons donc pas non plus des fluctuations saisonnières. Nos produits appartiennent à une catégorie supérieure, justifiée à juste titre par leur grande efficacité. Le secteur agricole indien est l’un des plus importants et des plus dynamiques. Bien que le potentiel soit là, le marché est fortement fragmenté, avec de multiples niveaux de distribution et de petites propriétés foncières, ce qui représente un défi pour une organisation qui fournit des solutions localisées répondant aux besoins des agriculteurs. Le groupe s’est également montré prudent lors de la création de l’entité indienne en raison des difficultés rencontrées par le passé dans d’autres pays asiatiques où les tentatives de reproduire le modèle d’entreprise européenne n’avaient pas donné les résultats escomptés. Un certain nombre d’adaptations ont été effectuées pour introduire notre modèle d’entreprise unique en Inde. TIMAC AGRO vit sur un système B2B2C, nous vendons toujours à l’agriculteur sur le compte du distributeur. L’une des principales adaptations a consisté à conserver une structure légère, ce qui a été facilité par le faible coût de l’embauche en Inde (environ un cinquième de ce qu’il coûte en Europe), ce qui a permis d’être plus facilement rentable sur les coûts. Comme nous sommes partis de zéro, nous n’avons pas fait de gros investissements (véhicules, etc.) tant que les employés n’étaient pas rentables, ce qui nous a permis de les récompenser sur la base de leurs performances. Ce modèle est unique par rapport à d’autres entreprises.
UJA: Pouvez-vous nous donner un aperçu des stratégies employées par TIMAC AGRO pour favoriser sa croissance en Inde ? Quelles ont été les principales étapes ou réalisations de ce parcours ?

Vignesh Janakiraman: Le succès du modèle de TIMAC AGRO vient de l’accent mis sur la décentralisation et l’adaptation locale. Nous avons procédé à plusieurs adaptations en Inde. Nous avons refusé de faire des compromis sur les marges brutes minimales des produits. Lorsqu’un nouveau marché sensible aux prix s’ouvre, les entreprises ont tendance à baisser leurs prix, ce que nous n’avons pas fait. Les principales stratégies d’adaptation à l’Inde ont consisté à conserver une structure et des coûts légers, à investir dans les bons talents, à recruter sans relâche (pour surmonter le turnover) et à être exigeant en termes de performances.

Chaque division/zone/région de notre entreprise est responsable de ses propres résultats. L’accent mis sur les performances nous permet d’éliminer les personnes qui ne correspondent pas à notre modèle d’entreprise, tout en motivant le reste de l’équipe pour qu’elle soit plus efficace.

À mon arrivée en Inde en octobre 2020, j’étais le premier employé et nous sommes aujourd’hui 88, dont plus de 60 sur le terrain et 20 dans les services d’appui, dans les domaines des opérations, de la finance, de l’informatique et de la logistique. Nous sommes sur le point d’atteindre le seuil de rentabilité en décembre prochain.

Notre modèle de croissance est un modèle dit « d’intensification du marché » qui vise à vendre plus efficacement et à plus grande échelle, via les bons canaux, et en adaptant l’offre de l’entreprise pour qu’elle corresponde vraiment à leurs besoins… Les piliers de cette intensification reposent sur la qualité de nos équipes technico-commerciales. Nous recrutons ces talents par des canaux non conventionnels. Nous n’utilisons pas souvent LinkedIn et accordons une grande importance aux compétences et à l’expérience plutôt qu’aux diplômes et aux certifications.

Découvrez l'équipe dynamique à l'origine du succès
de TIMAC AGRO

UJA: Quelle est la vision de TIMAC AGRO en ce qui concerne sa croissance future et sa contribution au secteur agricole indien ?

Vignesh Janakiraman: L’avenir de l’agriculture en Inde passe par la diminution des subventions au profit d’un modèle de développement durable. Grâce à la qualité de nos produits nous sommes le fer de lance de la transformation des agriculteurs qui en utilisant nos produits accroissent leur productivité. Il est important que les agriculteurs indiens considèrent l’agriculture comme une activité qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille, et non comme une simple obligation parce que la société indienne les mépriseraient s’ils ne travaillaient pas leur terre.

Le potentiel du marché indien de la nutrition végétale est énorme, avec une consommation de plus de 60 millions de tonnes d’engrais par an. L’Inde est une zone géographique clé pour la croissance du groupe, et nous devrions réaliser plusieurs centaines de crores de chiffre d’affaires dans les 5 à 6 prochaines années.

UJA: Compte tenu de votre expérience et de vos connaissances, quels conseils donneriez-vous à d'autres entreprises étrangères désireuses de pénétrer le marché indien et d'y réussir, en particulier dans le secteur agricole ?

Vignesh Janakiraman : Sans aucun doute, l’Inde est l’endroit où il faut être dans le domaine de l’agriculture pour toute entreprise qui cherche à se développer. Le premier défi pour toute entreprise étrangère qui cherche à pénétrer et à réussir sur le marché indien est de comprendre le paysage réglementaire. Il s’agit souvent d’une compréhension des réglementations locales dans la pratique plutôt que de l’interprétation bureaucratique des législations. Le succès passe par l’établissement de relations avec les autorités locales, qui agissent comme des sherpas pour franchir les obstacles réglementaires.

Nous avons également bénéficié de l’aide précieuse de la Fertiliser Association of India, qui constitue une passerelle essentielle entre l’industrie et les différents organismes gouvernementaux. Elle nous a également aidés à entrer en contact avec plusieurs pairs du secteur.

Le secteur agricole met également davantage l’accent sur le respect des sentiments culturels locaux et l’adaptation aux langues et dialectes locaux que les autres secteurs. Pour réussir rapidement, l’équipe sur le terrain en prise avec les clients doit être locale.

Il existe également une segmentation claire en termes de produits sur le marché : les produits de base qui dépendent des tendances des marchés et les produits haut de gamme qui sont moins sensibles aux prix. Après la deuxième vague de COVID-19 en Inde vers la fin de 2021, il y a eu une crise mondiale des conteneurs suivie de l’invasion russe de l’Ukraine en mars 2022. Cette situation a entraîné des fluctuations spectaculaires des prix des engrais à l’échelle mondiale, et les prix des engrais de base ont grimpé en flèche. L’écart de prix entre les produits de base et nos produits s’en est trouvé réduit ce qui a incité les agriculteurs à se détourner des produits de base pour des produits de plus grande qualité avec un meilleur rendement.

UJA: Pourriez-vous préciser le rôle du réseau franco-indien dans le soutien à l'établissement et à la croissance de Timac Agro en Inde ? Quel type d'assistance ou de ressources a-t-il fourni ?

Vignesh Janakiraman: Lorsque j’ai créé TIMAC AGRO en Inde, la Chambre de commerce et d’industrie France-Inde ( IFCCI) a été notre première maison – nous nous sommes appuyés sur leurs services de domiciliation (jusqu’à ce que nous soyons trop à l’étroit). L’IFCCI a également été un choix personnel pour moi en raison de mes affinités et de mes liens avec la diaspora française. Business France et l’Ambassade ont été également un grand soutien et m’ont permis de rencontrer non seulement des personnes compétentes mais aussi un large réseau qui a contribué à façonner l’histoire indienne de TIMAC AGRO.

Je crois aussi fermement qu’il faut rendre à la communauté ce qu’elle nous a donné. En 2022, j’ai accepté d’être élu au conseil d’administration de l’IFCCI. Avec Payal S. Kanwar (DG, IFCCI), j’ai travaillé au cours de l’année écoulée à la création d’un comité de réflexion dans le domaine de l’alimentation et de l’agroalimentaire. Le comité IFCCI Food and Agri est opérationnel depuis le Juillet 2023. J’en assure présidence et Govind Suryawanshi, en est le vice-président [directeur des affaires générales, Royal Canin India]. L’idée est de renforcer la présence française en Inde dans ce secteur et de mettre en commun nos forces.

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